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Publié par VDebomame

Chez les Ekang, il existe des mystères qui occupent les échanges dans la conscience collective des communautés. Des énigmes qui font que l’homme se met toujours à chercher des causes originelles de ces secrets qui peuvent être qualifiés de bénédictions ou de malédictions. C’est le cas de la sorcellerie « Mbô » et vampire « Evu » prenant des origines dans le cercle familial en général et extérieur en particulier. Le tout pouvant aboutir à un déséquilibre des forces de vie d’une personne. Le présent chapitre est voué à la compréhension de manière holistique de l’Evu dans la société Ekang. Son but est d’examiner la façon dont les membres de cette communauté définissent, nomment, classent, représentent et interprètent cette force dans ses aspects. Dans ce travail, nous ne cherchons pas à comparer les connaissances des uns à celles des autres sous prétexte qu’une serait vraie et l’autre fausse, mais de montrer l’importance que revêt le partage des connaissances de manière à laisser le choix aux gens de mener les recherches sur plusieurs dimensions.

(c) A.I I Initiateurs

Le terme Evu vient de « Avus », c’est-à-dire, se tromper, dévier, gonfler, transgresser ou se ressembler. En science, principalement dans l'anatomie, qui étudie la structure et l'organisation des parties du corps, et la physiologie, au macroscopique (visible à l'œil nu) ou microscopique (via un microscope), on parle de viscère creux dans lequel les aliments sont décomposés. Autant de mots qui lui confèrent une attention particulière dans le cadre d’une étude méthodique. Dans la vie de tous les jours, parlée d’Evu, c’est parlé de la sorcellerie et la capacité d’un individu à exercer une influence néfaste sur les autres. Cela est vrai si on reste dans le langage familier. Toute la communauté ne discute pas de sa non-existence ; ils savent, dans toutes les ethnies, qu’il existe. Chacun lui attribue l’origine et la cause des troubles de comportement tant chez les jeunes que chez les adultes. Evu, au lieu d’être cette chose maléfique ou source du mal ; animal, hibou, chauve-souris, crabe, araignée, source de malheur et de maladie telle que certaines personnes l’ont défini dans les sociétés traditionnelles africaines, gabonaises en générale et Ekang en particulier, il est plus complexe que cela.

Evu est le mystère qui définit l’homme dans son rapport avec l’univers et des dieux. Il est le catalyseur et le détonateur dans le cadre des changements d’état et des mondes. Il constitue l’organe d’intelligence humaine, mieux un système vital qu’on peut situer dans une partie du corps d’une personne. On dira qu’elle a Evu au sexe, dans le ventre, au front, dans le sange, dans les yeux, etc. afin de justifier ce pourquoi elle excelle. Il n’existe pas une personne sans Evu, chacun d’entre nous en a un au moins à la sortie du ventre de sa mère. Il y a des gens qui savent qu’ils en ont après avoir passé des épreuves de différents rites d’intronisation aux mystères. Ils sont conscients de le posséder et savent le maniement pour lequel il est destiné. Il y a aussi des gens qui l’ont, mais ne le savent pas. Cependant, ils sont étonnés lorsqu’ils surmontent des épreuves très complexes. Le cas d’accident de voiture ou d’avion ou ils sortent seuls vivants : on parle de chance très souvent en oubliant de creuser dans les profondeurs. Chez les Ntumu du peuple Ekang, on parle de mmimyô, non initié, et de Nnem, l’initié ou « à la tête percée » qui opère à des strates importantes.

Celui qui maitrise l’Evu connait aussi des lois et surtout celles qui permettent la déportation instantanée des corps en vue de leur indestructibilité. Comme le dit Tempels ; « tous les êtres de l’univers possèdent leur force vitale propre : humaine, animale, végétale ou inanimée. Chaque être a été doté, par Dieu, d’une force susceptible de renforcer l’énergie vitale de l’être le plus fort de la création : l’homme »[1]. La maitrise de cette force fait naitre dans la société deux catégories d’individus diamétralement opposés par leurs actions ; d’un côté, le bon Evu qui vise le bien de l’humanité et de l’autre le mauvais qui développe des aspects maléfiques donc du mal. On parle pour ce dernier cas de la sorcellerie pour traduire le vampire issu de l’usage de la haute science qui est la sorcellerie. Les porteurs d’Evu, au regard de ce qui a été dit, sont par conséquent des personnes dont la vie est porteuse d’une alliance située entre le possesseur et Dieu pour le bien de la société. Il est regrettable de voir cette alliance tournée hors de cet ordre pour s’inscrire dans des actes antisociaux.

Il est coutume, dans nos mieux africains, qu’une personne se réveille le matin et commence à exiger un sacrifice parce que sa vie est en danger. Elle raconte avoir déployé ses puissances d’Evu au cours d’une lutte qui l’opposait aux puissances nocturnes. Et même des gens qui, en conduisant une voiture, font l’accident de circulation avec un bus rempli de passagers, mais tous sortent indemnes alors que le véhicule est resté irrécupérable, se mettent à demander des œufs pour réparer les tissus abimés après l’usage de son Evu pour sauver des vies humaines. On parle d’un épuisement de l’énergie vitale.

En disant que tout cela vient de la femme, c’est reconnaitre qu’elle est le miroir entre des mondes et constitue la clé de mieux les connaitre. C’est ce qui explique que chaque enfant avant de s’aventurer hors de son environnement extérieur subit d’abord des enseignements d’une mère avant ceux d’un père. Ce que nous disons ici, c’est que chacun milite pour découvrir son Evu, son catalyseur afin que l’imaginaire (récit des pouvoirs tirés de l’Evu) soit, à travers la maitrise des lois et des interdits, accompagnée par la faisabilité, l’implémentation et la transmutation. Chez le peuple Ekang, Evu est le pouvoir et il n’y a pas de civilisation, de culture et des traditions chez les Ekang sans Evu. Le manque de ce catalyseur détermine le non-succès des usages. Et son emploi à des fins maléfiques entraine la perdition des savoirs mystico-spirituels et le déclin d’une communauté. Deux missions sont attribuées à l’Evu que les spécialistes éveillent chez un enfant au moment de la naissance, d’un côté celle d’aller en vampire et contempler des mondes pour exercer le mal. De l’autre côté, celle d’avoir de la richesse, de prospérer sur le plan visible et venir en aide aux autres, mais tous les deux n’ont de sens que si le porteur respecte des interdits que lui a donné l’initiateur. Le rôle de l’initier est de donner une direction à l’Evu car à la naissance il n’a pratiquement pas de direction. On va utiliser des termes comme àkom moan « faconner l’enfant pour le bien » et àvelè ou àvala moan « éveiller l’enfant pour agir en mal ».

Nous devons sortir des récits des orientations des personnes qui sont étrangères à nos mondes en imposant notre version de manière scientifique. Car, si la base de votre pouvoir se trouve uniquement dans la pensée de l’autre, vous n’êtes rien. Et vous ne parviendrez pas à établir le fond de votre valeur humaine. Il faut que l’essence de votre pouvoir porte au fond d’elle une certaine identité culturelle de votre peuple. C’est ainsi que vous revendiquerez d’être puissants. Evu n’est pas autre chose qu’un pouvoir qui est transmis de manière métaphysique à un individu pour qu’il concrétise sa volonté de puissance. C’est la raison pour laquelle on réservait l’Evu à quelques initiés, notamment les élus de la famille, les dirigeants du clan, les chefs de l’ethnie « afin de mieux gouverner et protéger leurs peuples en promouvant la réussite sociale des membres de la communauté. C’est pourquoi les chefs traditionnels étaient eux-mêmes de braves guerriers et, parfois, de bons tradipraticiens, dans la mesure où ils veillaient eux-mêmes à la santé physique et spirituelle des membres de la communauté »[2].

(c) A.I I Tradithérapeute

En résumé, l’Evu est, au sens général, une composante de la sorcellerie (la haute science ou l’ontologie des causes profondes chez les Ekang) avec pour rôle primordial changé la spécificité de l’individu. Il peut entrainer sa mort si des soins appropriés, après usage, ne sont pas adaptés, tandis que la malédiction, ce pouvoir que possède un individu, est un acte de désapprobation pouvant entrainer des malheurs. Cependant, entre l’impact sur les vies dues à ses usages et les pouvoirs qu’il incarne, l’Evu n’échappe pas au traitement thérapeutique holistique. Les spécialistes de la santé peuvent intervenir pour réparer l’Evu endommagé, ils peuvent le rendre inopérant ou même changer la spécificité de l’individu. En Afrique, l’action de cet organe constitue la clé de voûte du système thérapeutique traditionnel, d’autant plus qu’une partie importante des maladies prises en charge par les tradithérapeutes relèvent du schéma explicatif des œuvres de l’Evu.

(c) Texte extrait du livre, Venant DEBOMAME; Aspect de la femme chez les Ekang,

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Plus d’Informations
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[1] EYMERI (J.-C.) : Histoire de la médecine aux Antilles et en Guyane, L’Harmattan, Paris, 1992, pp. 75-77.

[2] S-P MVONE NDONG : Initiation et guérison profonde, tome 1, L’Harmattan, Paris, 2020, p.149