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C’était un lieu paradisiaque et mystérieux en raison de sa forme particulière. En effet, il y a de nombreux artéfacts et des écofacts relevant l’existence d’une vieille civilisation. La grotte, l’empreinte dans la roche du pied d’un être humain géant, les pistes non herbeuses, coquilles, ossements et plusieurs d’autres objets de nature archéologique.
Entre les 14 ᵉ et 19 ᵉ siècles, le peuple Ekang et allié y vivait avant leur éparpillement dans les six directions du Gabon actuel ainsi que la Guinée Équatoriale. Les anciens Ntumu ont dit que ce lieu était sacré, et de nombreux rites initiatiques se pratiquaient. Au sommet, les guerriers avaient la possibilité de veiller nuit et jour sur l’ensemble des villages et pouvaient signaler la présence des ennemis venant au loin. Au pied du mont, il y avait de jolis cours d’eau destinée non seulement à la consommation, aux usages multiples, mais aussi aux cérémonies de purifications, de guérison de l’esprit, le corps et l’âme des personnes invitées, de jolis villages qui se suivaient à la queue leu leu. Le travail de guérison spirituelle, de l’élévation de l’âme et de l’obligation que nous avons d’assumer les fautes de nos ascendants s’entend dans les récits des initiés. Les autochtones appellent ce lieu Koum qui vient de Akoum « la richesse » et le village dans lequel est implanté ce mont aujourd’hui se nomme « Koumassi ». Bien qu’il renvoie à « sous le mont koum ou au pied du rocher », il serait mieux de dire « À Koum si ; la richesse de la terre ».
Aux 19 ᵉ siècle, la région « sud Cameroun » va être prise en otage par les barbares sans pareil, les forces impériales ; colonialisme et christianisme. Les peuples qui y vivaient se virent menacer de morts, s’en survinrent des enlèvements et des tueries de masses des résistants qui refusaient de se convertir à la civilisation brutale des forces étrangères. Les autochtones, les Ekang, vont quitter petit à petit les lieux à la recherche de nouvelles terres d’accueil. Certains vont aller du côté de Wolo, de Ntam, Okala, Komo, moyen-Ogooué, Ogooué maritime, Ogooué-Ivindo, Cameroun, Souanké au Nord-Ouest de la République du Congo. La recommandation des anciens aux jeunes, après avoir constaté le traumatisme causé par l’invasion des barbares, était que le voyage intérieur est essentiellement un conditionnement de la conscience à demeurer éveillée pour maintenir la famille et le clan « Ayong » en vie ainsi que le lien avec le divin.
En 1961, après Ndé-NDÉ, sorte de surhomme mystique, le purgeur des reliques Fang venu de l’Ogooué Ivindo, envoyé et soutenu par l’administration coloniale entre 1950 et 1960, un certain André PIGUET, missionnaire protestant accompagné d’une importante délégation des fidèles chrétiens, marcha sur le mont Koum et installa une croix en bois de 6 m haut. Il vociféra qu’il s’agit d’un lieu de rencontre des sorciers, des enfants du diable, des gens qui iront en enfer, qu’il est venu détruire au nom du tout puissant Jéhovah. Par cette action, les missionnaires protestantes françaises, ont voulu faire du mont Koum un lieu de pèlerinage et de rassemblement de la jeunesse chrétienne du woleu-Ntem. La région est colonisée, et l’évangélisation a eu raison sur les formes de croyances locales. Les chefs coutumiers, pour sauvegarder leurs familles et clans, sont devenus chrétiens et auxiliaires de commandement de l’administration coloniale.
En 1982, la fameuse croix en bois sera remplacée par celle en béton armé qu’on aperçoit toujours aujourd’hui au sommet du mont koum. Malheureusement le projet, de la grande démystification du mont ainsi que les rassemblements des jeunes chrétiens, ne s’est plus concrétisé. Il est déplorable de constater l’abandon de ce lieu autrefois sacré lorsque les Ekang y étaient souverains. Certaines voix qualifient les manœuvres de l’église représentative des États occidentaux, appuyées par l’armée de conquête, d’avoir commis des actes ignobles au nom de la sagesse chrétienne en territoire Ekang.
La jeunesse consciente, intégriste et désireuse de retourner aux traditions religieuses locales, demande la destruction de la croix romaine au-dessus du mont Koum, car inconfortable aux pratiques spirituelles locales. Cet appel cadre avec certaines initiatives de ce genre entreprises par les peuples du Cameroun, notamment les Bassas qui appellent à la destruction de la croix placée à l’entrée de la grotte sise sur la montagne Ngock Lituba : la montagne sacrée.
Texte de : Venant DEBOMAME / extrait de "les chroniques de Messang"
JeudiAnthropologie / Libreville, le 13 juin 2024