Luc Bengone Nsi, président du Mouvement de redressement national (Morena), est l'homme forme du Gabon nouveau qui a déclaré ouvertement à la cour
constitutionnelle que Ali Bongo n'est pas gabonais et a récemment défrayé la chronique pour avoir été l’auteur d’une plainte contre X sur l’acte de naissance controversé du président Ali
Bongo. Dans l’interview publiée in extenso, l’opposant revient sur le dénouement de ce dossier et évoque les prochaines élections législatives, auxquelles son parti ne prendra part que
«dans les conditions exigées par le peuple gabonais».
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Vous aviez rendez-vous avec le tribunal, en début juin dernier, au sujet de la plainte contre X concernant l’acte de naissance controversé du
président Ali Bongo. Où en êtes-vous à ce sujet ?
Le 24 mai dernier, j’avais déposé deux plaintes au tribunal de Libreville. Une plainte contre X et une autre contre le maire du 3e arrondissement de Libreville, pour faux et usage de faux. Avant cette initiative, j’avais auparavant déposé une plainte au tribunal correctionnelle de Libreville, le 12 octobre 2009, avant de me rendre à la Cour constitutionnelle. Mais cette première plainte n’a pas prospéré. C’est pour cette raison que j’ai relancé les choses en déposant les deux plaintes de mai dernier. A mon premier rendez-vous avec le greffe du parquet, le 9 juin, les greffiers m’ont laissé entendre que les plaintes ne leur étaient pas parvenues et qu’elles étaient toujours au cabinet du procureur. Devant cette situation, je me suis inquiété car je craignais également que ces deux plaintes ne puissent avoir de suite comme la première. J’ai donc demandé à rencontrer le procureur de la République. Un de ses substitut a pris a pris attache avec lui et rendez-vous m’a été donné pour le 14 juin au matin. A la date indiquée, après quelques heures d’attente, le procureur a daigné me recevoir. Je ne saurais revenir sur la conversation que nous avons eue à cette occasion, mais il m’a invité de repasser le 16 du même mois, comme me l’avait demandé le greffe. A cette date, je me suis donc rendu au tribunal où j’ai finalement été reçu par le procureur. Après un bref cours de droit, ce dernier m’a annoncé que les deux plaintes étaient classées sans suite, à cause de l’opportunité donnée au procureur de donner suite, ou non, à une plainte, conformément à l’article 22 du code de procédure civile et ce sans aucune explication. J’ai déduis qu’il n’y avait de justice au Gabon, puisque qu’on rend justice à la tête du client. L’autre regret c’est que, malgré la pertinence de ces plaintes, le peuple gabonais semble légèrement indifférent. Le 15 juillet dernier, vous n’avez pas ratifié la déclaration de l’opposition à travers laquelle cette dernière menaçait de suspendre sa participation au processus de révision des listes électorales en cours. Quelles étaient vos motivations ? Evidemment, il y a certains passages que j’aurais voulu qu’on ajoute à cette déclaration. Il y avait des passages là-dedans qui, pour moi, paraissaient très importants. Notamment le rappel des conclusions des accords d’Arambo, qui demandaient au gouvernement de prendre toutes les dispositions pour introduire les données biométriques dans la gestion des élections. Or, de 2006 à aujourd’hui, le gouvernement gabonais n’a fait aucun effort. Car, on semble parler de biométrie comme si le dossier n’a été évoqué qu’en 2011. Normalement, même la dernière élection présidentielle aurait du se faire avec les données biométriques, mais personne n’en a parlé. Et on ne reprend ce dossier qu’à quelques jours des élections législatives de cette année. Donc la plupart des autres pairs n’ont pas voulu qu’on évoque ce problème. Mais vous savez, nous sommes dans un groupe où chacun peut avoir ses appréciations. Il y avait aussi d’autres passages que je n’appréciais pas. Et comme avant la fin des débats j’ai reçu un appel d’urgence, je me suis excusé et suis parti sans avoir signé. Par ailleurs, je suis contre le fait qu’on caresse certains alors qu’ils sont à l’origine des blocages que nous rencontrons aujourd’hui, c’est vraiment l’aspect que je n’apprécie pas beaucoup. Voilà également l’une des raisons qui m’a amené à ne pas entériner ce document, même si j’y adhère dans le fond. Par ailleurs, au sujet de la révision de la liste électorale, au cours d’une réunion organisée par le ministre de l’Intérieur, j’avais demandé à quoi servait la participation de l’opposition dans cette opération. Parce que, en définitive, la confection de la liste électorale se fait à Oloumi, et là-bas, l’opposition n’est pas représentée. Nous sommes associés à la collecte et non au traitement informatique des données. Pour ma part, j’estime depuis trois ans que c’est une opération purement politicienne, qui n’a aucun résultat réel. Dans ces conditions et dans ce contexte-là, doit-on conclure que le Morena n’ira pas aux prochaines législatives ? Nous demandons comme tout le monde qu’il y ait des réformes. Ah non, il faut quand même que le gouvernement tienne compte des exigences du peuple gabonais ! Car, il est là pour servir le peuple. Le gouvernement est au service du peuple, et si ce dernier demande des réformes, les dirigeants doivent s’y plier. S’il ne le fait pas et qu’il y a drame, on dira que c’est l’opposition. Voyez-vous comment on crée des situations de tension ? Le Morena est prêt à aller aux élections, mais seulement dans les conditions exigées par le peuple gabonais.
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