Monsieur Ali BONGO ONDIMBA
Président de la République Gabonaise
Libreville
GABON
Bruxelles, le 1er juillet 2011
Objet : Violation des droits syndicaux des enseignants gabonais.
Monsieur le président de la République,
Le premier axe de votre programme politique en accédant à la magistrature suprême de votre pays était de consolider l’Etat de droit au
Gabon.
Cet objectif devrait s’accorder avec le libre exercice des droits syndicaux, reconnus comme des droits humains au titre de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme, et par les conventions internationales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), ratifiées par le Gabon.
Ces droits et libertés syndicaux comprennent notamment le droit à la sécurité des militantes et militants syndicaux et leur liberté d’opinion et
d’expression, le droit à la formation et au libre fonctionnement des organisations syndicales, la protection contre la discrimination antisyndicale et le droit de négociation
collective.
En plus des normes internationales précitées, les droits syndicaux sont par ailleurs reconnus et protégés au Gabon par un ensemble de texte
comprenant :
• la Constitution de la République,
• la loi 18/92 du 18 mai 1993 fixant les conditions de constitution et de fonctionnement des organisations syndicales des agents de
l’Etat,
• la loi 01/2005 du 04 février 2005 portant Statut Général de la Fonction Publique,
• la loi 08/91 du 26 septembre 1991 portant Statut Général des Fonctionnaire,
• la loi 20/92 du 08 mars 1993 fixant les statuts particuliers des fonctionnaires du secteur éducation.
Monsieur le président de la République,
Nous regrettons qu’en dépit du bon sens qui a caractérisé le législateur et le peuple gabonais en adoptant les textes de loi cités ci-dessus, votre
gouvernement, notamment le Ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique, de l’Innovation et de la Culture, porte atteinte à l’esprit et à la lettre
des dispositions pertinentes des lois qui promeuvent et protègent les droits et la liberté syndicaux.
En effet, les actes qu’il ne cesse de poser nous laissent croire qu’il tient pour des adversaires politiques à éliminer les leaders des syndicats
représentatifs du secteur de l’enseignement.
Depuis son arrivée à la tête de ce département en octobre 2009, la presse et les média, de même que nos collègues, révèlent que la répression
antisyndicale semble être sa marque de fabrique. Ainsi, les syndicats regroupés au sein de la CONASYSED et leurs adhérents sont-ils, de sa part, l’objet d’une chasse implacable, en violation
flagrante des prescriptions réglementaires, des dispositions législatives et des engagements internationaux auxquels le Gabon a librement souscrits.
Le paroxysme de cette inadmissible répression se manifeste, entre autres choses, par la suspension arbitraire et illégale des salaires des
enseignants regroupés au sein du Syndicat des Enseignants Contractuels de l’Etat Gabonais (CECEG), et de ceux regroupés au sein de la Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education
(CONASYSED).
Ces enseignants ont par ailleurs été traduits en Conseil de Discipline dont les décisions sont toujours attendues six mois après sa tenue, en totale
violation des prescriptions en la matière. Toutes ces sanctions infondées, prises sous le fallacieux prétexte du non respect de la note circulaire n° 01418 du 16 novembre 2009, portant sur une
conception erronée du service minimum par le Ministre, et assortie d’intimidations et de menaces injustifiées, bafouent les conventions 87, 98, 151, et 154 de l’OIT, que le Gabon a ratifiées et
qui, de fait, rendent nulle la circulaire en question.
Nous voudrions également dénoncer ici le caractère liberticide de l’arrêté N°269/PM du 25 février 2010, qui ouvre la voie au flicage et au fichage
des militants syndicaux ; situation qui ne peut correspondre à votre volonté tant de fois affirmée de faire du Gabon un Etat de droit.
Au regard de ce qui précède, l’Internationale de l’Education (IE), la plus grande fédération mondiale des syndicats du secteur de l’éducation,
représentant plus de 30 millions d’employés appartenant à près de 400 syndicats affiliés répartis dans 170 pays et territoires, et dont sont membres le Syndicat de l’Education Nationale (SENA) et
la Fédération des Syndicats des Enseignants de l’Education Nationale (FESEENA), condamne avec vigueur toutes les sanctions arbitraires qui pèsent sur les leaders syndicaux au seul motif qu’ils
demandent à votre gouvernement le respect des engagements pris dans le cadre des protocoles d’accords des 13 et 14 décembre 2009, et qui ont force de loi.
Monsieur le président de la République,
A la suite du Médiateur de la République qui vous a saisi par correspondance en mars dernier sur le même sujet, et eut égard à la gravité de la
situation que nous venons de décrire, nous sollicitons de votre très haute bienveillance la levée immédiate des sanctions qui frappent et pénalisent injustement les leaders et les enseignants
regroupés de la CONASYSED.
Nous voudrions que sous votre autorité s’instaure très rapidement au Gabon un véritable cadre formel de dialogue social, qui contribuerait à
répondre aux justes revendications des syndicats de l’enseignement et aux exigences que porte un système éducatif public de qualité pour tous vos compatriotes, au moment où partout dans le monde,
et particulièrement en Afrique, les peuples réclament plus de démocratie et une gouvernance respectueuse des droits fondamentaux reconnus à tout être humain.
L’IE, si votre gouvernement persiste sur la voie de la répression antisyndicale par la violation flagrante et répétée des droits et principes
fondamentaux au travail, se réserve la possibilité d’entreprendre une campagne d’information de la communauté internationale, y compris les institutions du système des Nations Unies et de l’Union
Européenne, sur la situation actuelle et les menaces qu’elle représente pour la justice sociale, la paix civile, l’Etat de droit et la démocratie.
Nous croyons qu’il n’est pas utile d’en arriver à ces actions qui nuiraient à l’image de votre gouvernance et de votre pays.
Comptant donc sur votre sollicitude et votre détermination à faire du Gabon un véritable Etat de droit, nous vous prions de recevoir, Monsieur le
président de la République, l’assurance de notre très haute considération. En outre, si nos collègues du SENA et de la FESEENA le demandaient, nous saisirions le Comité de la Liberté Syndicale du
Bureau International du Travail (BIT), pour une plainte formelle contre le gouvernement gabonais, pour les mêmes motifs.
Fred van Leeuwen
Secrétaire général