Que savons-nous de l’expression :
O ne Etoun Eboukh
Chez les Ekang d’Afrique centrale, principalement ceux qui parlent la langue Medzo Nna, il est très coutant d’entendre l’expression Etoun Eboukh. Que savons-nous et pourquoi devrions-nous en parler ?
- Sens et formes :
L’expression Etoun Eboukh est composée de deux mots : étoun et éboukh.
Etoun renvoie à la moitié, petitesse, court…
Eboukh renvoie à fragment, morceau, miette, débris…
Etoun Eboukh peut ainsi renvoie à quelque chose qui ne possède pas toutes ses composantes.
- L’usage chez une personne
C’est une expression que l’on retrouve dans la société Ekang lors de certains évènements, heureux ou malheureux, et parfois lorsqu’il faut prendre une décision. On dira à une personne : « O ne étoun “éboukh ». On peut penser tout de suite qu’il manque à cette personne certaines composantes pour prétendre avoir le statut social qui lui confère le droit d’être écoutée.
S’agit-il d’un enfant né hors mariage, d’un enfant adopté, de l’enfant d’une sœur ou d’un frère du couple, d’une personne ordinaire hors de la famille ? Pas nécessairement !
Car, l’expression même renvoie déjà à une insulte, à la mise de côté au rejet du sujet en question dans l’affaire à traiter.
- Fait historique :
Dans le récit Mvet « Abê » de Tsira Akuè OBIANG enregistré en 1985 au village Sougoudzap par Allogo Mbeng Ndong, Akoma MBA est traité de « étoun éboukh » par ses pairs d’Engong Zoc Mebeghe Me MBA. En fait, ses pairs lui ont signifié qu’il n’était pas vraiment de ce village, car il n’est que de moitié. Étonner ! Akoma Mba va leur dire qu’il a compris, mais ne s’attendait pas que cela puisse sortir de leurs bouches après tout ce qu’il a fait pour que ce village soit appelé Engong. C’est ainsi qu’Akoma va quitter Engong, passera au village du clan « Bivuê », s’installera à Mekom me zoc et il s’appellera désormais Ogoung NDONG. Après concertation, il va monter une armée pour aller combattre ses pairs à Engong afin de récupérer le secret de l’immortalité dont il connait la cachette.
- Morale.
Il y a des choses qu’on ne doit pas dire à ceux qui ont fait de vous des hommes de valeur. Tout enfant dans une famille est un enfant comme les autres, il mérite les mêmes considérations, le même amour. Car, la sagesse Ekang dit « que l’enfant n’appartient pas à celui qui l’a mis au monde, mais à celui qui lui donne la vie ». Donner la vie signifie transmettre des valeurs pour son émancipation et celle de la famille. Celui qu’on néglige dans le présent peut être celui qui nous sauvera au futur. Enfin, « être étoun “éboukh » ne devrait pas se dire pour les personnes d’une même famille, des gens qui vivent ensemble, qui partagent les mêmes valeurs. Il nous semble nécessaire de le dire à une personne étrangère à notre culture lorsque celle-ci n’est que passagère chez nous. Une sagesse Ekang dit : « Mi-nkohng mhi avuin ésong nwu : les grenouilles s’amusent sur la tombe du défunt ».
Abim té !
#JeudiAnthropologie
(c) Venant Debomame