Que nous raconte l'union (journal officiel du Gabon) ce matin, plus de 1.800 enseignants titularisés...? ha bon?... voilà le vrai visage de l’émergence... une véritable chasse à l'homme
Intervention de la police gabonaise pour déloger les enseignants de l’Institut Manfred Mendame, à Oyem, mercredi matin.
Mercredi matin, des enseignants qui organisaient un sit-in à Oyem, dans la province du Woleu-Ntem, dans le nord du Gabon, ont été violemment chassés des lieux par la police. Salaires non versés, non-titularisation d’un grand nombre d’entre eux… Leurs griefs mettent en lumière les difficultés du métier d’enseignant dans le pays.
CONTRIBUTEURS
"J’ai dû attendre huit ans avant d’être titularisé, au lieu d’un an comme la loi le stipule"
On avait déjà tenu un sit-in le jeudi précédent, qu’on avait levé le lendemain. Lundi, on l’a reconduit avec une centaine d’enseignants, qui sont restés dormir deux nuits à l’Institut. Mercredi matin, entre 5 h 30 et 6 h, environ 25 agents de la police nationale sont arrivés sur les lieux, envoyés par le directeur de l’Académie provinciale et du préfet de police d’Oyem.
Depuis lundi, les enseignants dormaient au sein de l’Institut Manfred Mendame, afin d’occuper les lieux.
Les policiers nous ont agressés. Ils ont lancé des bombes lacrymogènes, alors qu’il y avait des femmes et des enfants. Cinq enseignantes ont été blessées par la police. L’une d’elles, enceinte, a reçu des coups de matraque dans le ventre. D’autres ont reçu des coups dans le dos et sur les hanches. Une petite fille de 18 mois, la fille d’une enseignante, a également été légèrement blessée. Les violences ont duré près d’une heure. Tout le monde a fini par quitter les lieux, c’était la débandade. On est ensuite allé voir le procureur de la République au tribunal d’Oyem pour porter plainte.
Hématomes sur le ventre d’une femme enceinte, mercredi matin.
On avait organisé ce sit-in pour plusieurs raisons. Dans la province du Woleu-Ntem, environ 830 enseignants travaillent dans le pré-primaire [l’équivalent de la maternelle, NDLR], avec des enfants âgés de 3 à 5 ans. Sur ce total, 250 environ ne sont pas titularisés, c’est-à-dire qu’ils exercent leur métier sans faire officiellement partie de la fonction publique. En théorie, lorsqu'ils commencent à travailler, les enseignants sont d'abord "intégrés" au sein de la fonction publique. Puis, après avoir passé un an sur le terrain, ils sont alors officiellement "titularisés" ou écartés. Mais certains travaillent pendant des années, parfois près de vingt ans, sans être titularisés…
Au niveau national, environ 1 850 enseignants du pré-primaire attendent d’être intégrés au sein de la fonction publique. Ce problème touche donc l’ensemble du pays. Mardi, le ministre de la Fonction publique a reçu des enseignants. Il a annoncé que les dossiers de 400 d’entre eux, non-titularisés, étaient en train d’être régularisés, mais on n’a rien vu jusqu’à présent.
Salaires non versés
Ces enseignants non intégrés à la fonction publique touchent un pré-salaire de 80 000 francs CFA par mois seulement [122 euros environ, NDLR], soit le salaire minimum gabonais. C’est très peu, sans compter que certains n’ont pas touché leur salaire depuis plusieurs mois. [Une fois "intégrés" au sein de la fonction publique, les enseignants du pré-primaire sont payés au minimum 128 000 francs CFA pendant un an, puis 133 000 quand ils sont "titularisés", explique le ministère de la Fonction publique, NDLR].
Moi-même, j’ai commencé à enseigner en 2006, après avoir étudié cinq ans environ. Pendant trois ans, j’ai touché le salaire minimum, avant d’être intégré à la fonction publique en janvier 2010. Mais il m’a fallu attendre 2014 pour être enfin titularisé à proprement parler. En tout, il m’a fallu huit ans pour être titularisé, au lieu d’un an comme la loi le stipule. J’ai un collègue qui a commencé à travailler en même temps que moi, et il attend toujours sa titularisation...
Mercredi en fin de matinée, certains enseignants sont venus récupérer leurs affaires laissées sur place au moment de l’intervention policière.